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Manifeste pour le « Zéro Artificialisation Nette »

16/10/2020

Manifeste pour le « Zéro Artificialisation Nette »

Le Manifeste pour le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), contribution collective des membres du Club Ville Aménagement auquel ont participé les équipes de BMa est en ligne et relayé dans une tribune publiée par «Le Monde ». Atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols nécessite une démarche d’aménagement globale, adaptée aux contextes locaux.

Développer les territoires sans les artificialiser. Les professionnels disent OUI !

Si l’objectif Zéro Artificialisation Nette revêt une importance déterminante au regard des tendances naturelles à l’étalement urbain, il a semblé essentiel à la Taskforce ZAN du Club Ville Aménagement de replacer cette trajectoire dans le contexte d’ensemble  de l’aménagement et de l’actualiser au regard d’une crise sanitaire et économique sans précédent. Cette contribution est motivée par le souhait de porter une vision d’ensemble du développement urbain et territorial et de contribuer au débat par une série de propositions.

Le 20 juin, la convention citoyenne pour le climat a remis ses propositions au président de la République. Plusieurs d’entre elles visent à stopper le processus d’artificialisation des sols et participent de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) promu par le gouvernement dans le plan biodiversité de juillet 2018. Cet objectif ne peut être que partagé. Il suppose toutefois que tous les acteurs de l’aménagement et de la construction – collectivités, urbanistes, aménageurs, architectes, promoteurs immobiliers et constructeurs –, mais aussi que la société dans son ensemble, changent profondément de logiciel.

Depuis toujours, les villes se sont développées au détriment des espaces naturels et agricoles. Selon les chiffres de l’Agence européenne de l’environnement, la France est le pays européen avec le plus haut niveau d’artificialisation des sols : 47 km² pour 100 000 habitants, contre 41 km2 en Allemagne et 29 km² aux Pays-Bas, pourtant plus densément peuplés que l’Hexagone. Cette pratique n’est plus soutenable.

Pour autant, il est indispensable de poursuivre le développement de ces territoires, afin de répondre aux besoins des populations et des entreprises. Dans ces conditions, comment faire ?

Dépasser le primat donné à la maison individuelle

Tout d’abord, l’artificialisation des sols doit pouvoir s’apprécier à différentes échelles, en tenant compte des diversités géographique, économique et sociale des territoires. Il ne peut y avoir de baromètre unique. C’est pourquoi l’objectif ZAN doit contribuer à une ambition plus globale : celle d’une stratégie de développement propre à chaque territoire, fondée sur une vision de long terme, transversale et partenariale, associant habitants, élus, services et opérateurs.

Cette stratégie doit permettre de dépasser le primat donné à la maison individuelle et assumer la construction d’une ville qui conjugue densité, qualité de vie et qualité environnementale. Cependant, il faudra veiller à ce que cet objectif ZAN ne se traduise pas, en particulier dans les zones tendues, par une raréfaction de l’offre de logements, au détriment des classes moyennes ou modestes et des primo-accédants.

Pour cela, il faut inventer des modèles économiques de l’aménagement qui favorisent la transformation de la ville sur elle-même. Aujourd’hui, il est plus complexe, risqué et onéreux de reconstruire la ville sur la ville plutôt que de l’étendre, alors que les lieux propices à la mutation urbaine ne manquent pas : friches industrielles, zones commerciales en entrée de ville, zones d’activité économique vieillissantes, etc. Par ailleurs, les financements publics devront soutenir en priorité les opérations de recyclage urbain, afin que ces dernières deviennent la règle. Le défi est immense : entre 2006 et 2014, seulement 43 % des surfaces nouvellement construites l’ont été sur des terrains déjà urbanisés.

Il est également essentiel de développer des outils et méthodes d’action locale pour comprendre les dynamiques, identifier les gisements fonciers, assurer leur maîtrise et ensuite les aménager.

Adapter l’objectif selon les territoires

Toute nouvelle action d’aménagement devra mesurer l’artificialisation des sols, réduire son impact et rendre compte des actions afin de suivre, à toutes les échelles territoriales, l’évolution de notre empreinte écologique. Nous, établissements d’aménagement publics et parapublics, formulons cinquante propositions pour porter cette ambition.

Les villes et les territoires sont des espaces « vivants », multifonctionnels et évolutifs. Ils nécessitent une approche systémique : à lui seul, l’objectif ZAN ne peut être l’unique orientation, pas plus que le retour immédiat aux modèles anciens. Il ne permet pas seul de concevoir l’aménagement dans ses dimensions sociales, économiques et environnementales, dont le croisement est source de complexité. Adapter l’objectif selon les territoires et l’énoncer dans une stratégie claire apparaît nécessaire à la mise en œuvre opérationnelle, mais aussi à la compréhension par tous : habitants, élus, services, opérateurs.

Ces orientations sont particulièrement importantes dans le contexte de crise sanitaire sans précédent qui percute la planète, et qui, par le choc qu’elle provoque et l’étendue de ses conséquences économiques et sociales, marquera toute action dans les prochains mois et années.

Une boussole pour la relance

L’enjeu est d’identifier les voies permettant de donner à la relance une nouvelle orientation, celle de la sobriété foncière et de l’aménagement respectueux de notre écosystème. Un tel objectif ne saurait être traité par la seule voie réglementaire. Il faut accorder un bonus financier ou fiscal aux opérations vertueuses. Sans cela, le renchérissement de la production immobilière risque de conduire à une augmentation des prix et au creusement des inégalités.

Les grandes opérations d’aménagement, parce qu’elles sont visibles, sont souvent décriées. Or ce sont elles qui, par les hauts standards de qualité environnementale et résidentielle qu’elles assurent, permettent d’aller plus loin et de faire mieux en termes de qualité de la vie urbaine, de qualité environnementale et de participation du public.

Par opposition à l’urbanisation diffuse, majoritairement responsable de l’artificialisation des sols, un aménagement voulu, pensé et piloté est la meilleure façon d’intégrer dans une stratégie territoriale l’ensemble des objectifs de notre société en matière de développement urbain, et en premier lieu celui du « zéro artificialisation nette ».

Manifeste pour le Zéro Artificialisation Nette (ZAN)

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