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Café-débat “L’histoire du centre reconstruit de Brest” : un compte-rendu !

25/10/2023

Café-débat “L’histoire du centre reconstruit de Brest” : un compte-rendu !

Un historien, une architecte urbaniste et une guide touristique : 3 experts ont participé au premier café débat Siamorphose organisé le 19 octobre. Le projet de renouvellement du centre reconstruit de Brest tient compte de l’histoire et de la reconstruction, autant que de ses caractéristiques techniques et architecturales. L’analyse poussée du périmètre et de son histoire ont permis d’extraire et d’exposer les grands enjeux de ce futur chantier : gagner en qualité et en confort de vie, donner davantage de place à la nature en ville, repenser l’organisation de l’habitat à différentes échelles.

Une première soirée de lancement conviviale pour commencer à construire un projet partagé. C’était l’objectif de ce premier des 3 cafés-débats programmés pour échanger sur Siamorphose. Siamorphose est un programme de régénération du centre reconstruit de Brest qui entre dans le cadre plus vaste du plan guide « Brest 2040 ». Cette première édition était l’occasion de bien rappeler le périmètre du projet et de se nourrir de, l’histoire du centre reconstruit, pour bien comprendre les enjeux du projet. 

Siamorphose : au cœur de l’intérêt de la collectivité

La première partie a porté sur le rappel du périmètre du projet : le centre reconstruit de Brest, ce quartier particulier, au patrimoine remarquable et essentiellement privé. Un quartier qui n’a quasiment jamais vu de rénovation depuis 70 ans. « La collectivité souhaite renouveler ce périmètre, même privé, car son patrimoine est singulier et il commence à montrer des signes de fragilité » précise Ludivine Carlier, Responsable du service Fabrique de la Ville à Brest Métropole. « Nous voulons agir avant d’avoir un habitat dégradé avec des travaux lourds ». C’est l’une des difficultés de ce projet : intervenir sur des espaces publics et privés. Concrètement, Siamorphose se divise en plusieurs phases : une importante phase d’incubation comprenant une analyse et un diagnostic du périmètre sur 3 ans, puis la désignation de 2 îlots démonstrateurs et la programmation sur ces 2 îlots (à horizon 2025). La deuxième phase sera celle de la réalisation à l’échelle du quartier, si le projet est de nouveau retenu par le Jury de l’appel à manifestation d’intérêt de l’Etat.

Centre reconstruit et îlots : de quoi parle-t-on ?

L’analyse des 96 îlots du périmètre est menée par une équipe pluridisciplinaire d’architectes, urbanistes, paysagistes, ingénieurs, « pour redécouvrir toutes les qualités du centre-ville dans un contexte économique et climatique nouveau », souligne Marie Chabrol, architecte-urbaniste pour AIA Territoires. On peut déjà faire quelques constats : « l’imperméabilisation d’une majorité des sols construits sur des remblais, ce qui pose aujourd’hui des problèmes d’îlots de chaleur urbains ; la qualité de la trame paysagère avec une couronne végétale morcelée qui peut être reconstituée ; la place structurante des espaces publics ». Dans le détail, l’architecte propose de trouver des « solutions d’ensemble à l’échelle de chaque îlot : mutualiser les énergies, les réseaux de chaleur, la gestion des déchets », tenant compte de la variété des îlots, de la diversité des façades (isolation par exemple) et de l’opportunité donnée par les cours ou cœurs d’îlots plus propices à des interventions (isolation par exemple). « On recense aussi les initiatives d’habitants : végétalisation des cours, nouvelles formes d’habitat, création d’ascenseurs… ». L’architecture des immeubles laisse même la possibilité d’en surélever certains.

Un quartier modelé par l’histoire

Si le centre-ville de Brest garde aujourd’hui les lignes droites et les façades ordonnées de son concepteur, l’architecte de la reconstruction Jean-Baptiste Mathon, il a pourtant eu un tout autre visage. Daniel Le Couëdic, historien, revient sur la création et la vocation militaire de la ville au XVIIe siècle, l’influence de Vauban et la « géomorphologie compliquée » du site qui empêche le tracé d’un « parfait quadrillage ». Brest devient « une ville très dense intra-muros, avec de simples courettes pour aérer les îlots, une organisation fragmentée et un parcellaire complexe loin des idéaux classiques de cette époque. » Les intenses bombardements de la Seconde Guerre Mondiale effacent la cité. « Brest est la ville la plus bombardée de France : 30 000 bombes, 4 800 immeubles détruits et 3 700 endommagés, 18 000 logements perdus et 70 000 sinistrés… ». Dès 1943, l’État nomme Jean-Baptiste Mathon, urbaniste et architecte en chef de la reconstruction de Brest. Une ville complète est rebâtie en quelques mois, « plus vite que pour rénover les Capucins », utilisant les matériaux des ruines et des fortifications détruites. « On efface la géomorphologie contraignante en construisant un plateau artificiel. La nouvelle ville sera jusqu’à 30 mètres au-dessus de l’ancienne ». Les propriétaires des îlots reconstruisent à l’économie, selon les normes de leur époque « sans ascenseur ni chauffage central, avec des cabinets de toilettes, des planchers sonores… » Mathon dessine une ville classique, organisée selon deux axes : l’axe principal par la rue de Siam, l’axe secondaire entre la trésorerie et le tribunal. Il inclut des monuments (Église Saint-Louis, Hôtel de Ville), et reprend le principe des îlots à l’alignement des voies. « Il utilise la théorie du serre-livres : des immeubles ordonnancés pour tenir les îlots avec des hauteurs variées. La ville donne une impression globale d’ordre par son orthogonalité ».

Le regard d’une Brestoise passionnée

Apprendre à regarder différemment la ville, en tenant compte de son histoire, de son vécu, de ses habitants : c’est ce que propose Caroline Jacques, guide touristique « brestoise et passionnée par Brest ». « Je n’ai jamais trouvé Brest moche, je me suis même posée des questions sur mon goût… » : ville reconstruite, Brest subit les a priori communs sur l’architecture de la reconstruction et le manque de patrimoine. « J’avais 18 ans quand j’ai compris que ce sont les alliés qui ont bombardé Brest : on connaît mal notre histoire, pourtant on vit dans les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale ». C’est ce qu’elle explique aux visiteurs, étudiants, nouveaux arrivants, touristes, habitants. Elle fait visiter un Brest original, insolite et porté par « ses gens ». Un regard nouveau qui permet de prendre du recul sur le centre-ville et son avenir.